Si proches et pourtant … si loin !
Je m’adresse à toi qui as le temps de me lire. Cette semaine j’ai sillonné les rues autour de ma maison tranquillement, sans hâte, le regard attentif aux “enfants de la rue”.
Nos rues du centre ville regorgent de commerces, les uns bien équipés et pleins de produits hauts de gamme, d’autres de petites boutiques de fortune, des kiosques minuscules, souvent collés aux murs avoisinants et qu’occupent, en général, l’espace publique des trottoirs, et même une bonne partie de a chaussée.
Tout le monde étale sa marchandise avec le propos logique de montrer ses produits.
On observe toujours des groupes d’adultes assis sur des bancs à la porte des boutiques en franche causerie avec les amis propriétaires.
Un autre groupe est celui des enfants qui défilent en petits groupes, un peu qui, boîte de tomate en bandoulière style des commandos visitent porte à porte des commerces en récitant des sourates du Coran devant les adultes ou entrent dans les commerces “pour saluer les patrons » et quémander de l’aumône… et ils sont facilement identifiés comme des disciples des “marabouts” Ils sont connus sous le nom de "garibous” ou “talibés”, venant des “écoles coraniques”.
D’ailleurs, on voit un autre groupe d’enfants qui sillonnent les rues en solitaires ou bien en petits groupes, ceux-ci sont les cireurs, les vendeurs de cartes prépayés téléphoniques que souvent se concentrent à côté des feux tricolores en offrant leurs cartes, étalées sur des petits étendards pareils à ceux des légions romaines…
A la tombée du soir on trouve la “brigade mobile” des jeunes filles, même des adolescentes, qui assises sur les sièges de leurs motos aux endroits stratégiques tels qu’aux alentours des buvettes de luxe ou hôtels, bien maquillées, montrent leurs atouts sexy tels que leurs mini-jupes et décolletés pour attirer l’attention des hommes, leurs possibles clients.
Mon groupe cible c’est un autre groupe nombreux de petits enfants et adolescents, les petits quémandeurs à la recherche d’argent ou de nourriture (toujours ils portent leurs mains à la bouche en clair geste de demande de nourriture “pour manger”. La nuit ils dorment sur des cartons dans les rues des alentours près des marchés, des stations de service ou devant les portails des magasins dans les rues principales. Ceux-ci, je les appelle “les enfants de la rue”.
Sur le nom concret pour les étiqueter ces enfants il y a des différents manières de le faire. On sait qu’aux bureaux des organismes censés de protéger l’enfance se donnent la peine pour leur donner des noms modernes, « politiquement corrects » tels que « enfants en situation de rue » « en rupture familiale » etc. En fait on s’occupe beaucoup des apparences et laissent l’essentiel d’un côté.
La plupart occupent des postes ou travaillent dans des jolis bureaux officiels, bien climatisés, avec un salaire respectable, mais jamais ils ne descendent dans la rue et si tu approches à leurs bureaux (naturellement après avoir laissé ta carte d’identité en mains d’un « agent de la sécurité » et passé le contrôle du « scanner » de rigueur à l’entrée) pour présenter une demande d’aide pour ces enfants ou si tu envoies un e-mail à leur moderne ordinateur, … alors la réponse est claire : « c’est un bon projet, mais nous n’avons pas de budget » ou « nous recevons chaque jour des douzaines de projets comme le vôtre… Désolé ».
Ceci vu, j’ai décidé, en attendant des temps meilleurs, travailler dans la rue. Je rencontre des enfants, je m’arrête, je les salue dans leur propre langue… et facilement on tisse une relation d’amitié. Sous-entendu qu’il faut utiliser des stratégies. On parle de mon équipe de football … et surtout on se montre très amical et rapidement d’autres camarades approchent autour du groupe. Le « nassara » (« homme blanc » dans l’argot de la rue) est toujours un mystère pour eux, surtout s’il parle avec eux dans leur langue.
Je leur offre le « Centre d’Écoute » que je viens d’ouvrir dans une vieille « villa » que nous, les Frères, avons en propriété à quelques 100 mètres de notre collège et de la Cathédrale dans l’avenue Mgr Thévenoud, nº 449. Au bout de quelques heures les enfants approchent, au début un peu timidement mais ensuite ils gagnent confiance, reçoivent quelques biscuits, ils se font amis de mon chien « Night » et ensuite ils commencent à jouer les 2 « baby-foot » qu’on a installés et avec des divers « puzzles » très appréciés. D’autres dessinent ou écrivent sur les deux petits tableaux noirs récemment placés sur le mur de la cour laissant voler leurs imaginations débordantes, surtout les footballeurs de mode : Ronaldo, Messi… Quelques-uns profitent pour se laver et se faire soigner les plaies abondantes des jambes ou des pieds.
D’autres aident à arroser les plantes ou balayer la cour… et ils se sentent bien accueillis, de telle sorte qu’ils demandent à revenir le lendemain…
Un Centre d’Écoute a pour finalité d’offrir confiance ; à travers cette ouverture, ils commencent à te raconter mille détails de leurs vies, les petites aventures et problèmes de chaque jour, les abus reçus des plus grands qu’eux…
Et voilà un peu les premières expériences de ces deux ou trois semaines d’ouverture partielle du « Centre d’Écoute de LA MAISON DES ENFANTS – FOYER DE LA SALLE ».
Il y a deux panneaux qui l’annoncent : l’un devant la porte d’entrée et un autre à l’intérieur qui indiquent la référence de la maison.
Avec la permission de M. le Ministre de l’Action Sociale et la communication de l’ouverture du Centre à M. le Commissaire de la Police Nationale chargé de la protection de l’Enfance on s’efforce pour offrir à nos petits frères en détresse un havre de paix, de détente et d’épanouissement.
Frère Jesús González López
Ouagadougou, le 02 décembre 2014