Il existe certaines sociétés où on ne se dit pas facilement « bonjour ». Il n’y a aucune obligation ! Vous n’êtes pas tenu de saluer votre voisin dans le bus, dans le métro ou dans le train… Quand deux inconnus se rencontrent, les deux s’ignorent et les deux se mettent au « off ». Pourquoi dire bonjour à un in-connu ?
Il existe d’autres sociétés où « le bonjour » se prononce facilement dès lors qu’on est en présence d’un autre, proche ou étranger, connu ou pas, grand ou petit. Et pourquoi dire bonjour ?
Ce sont les raisons de dire bonjour qui me préoccupent. Depuis quand cela a-t-il commencé ?
Donner le bonjour, dire bonjour, souhaiter le bonjour, etc. sont des expressions qui semblent contenir des valeurs d’ouverture et d’accueil de l’autre ; des valeurs de reconnaissance et de valorisation de l’autre. Dire bonjour,
c’est être simplement humain. C’est reconnaître que l’autre en face de moi est un être humain sociable avec qui on peut communiquer. Ceci est d’autant plus vrai que lorsque nous osons dire bonjour, il est souvent accompagné d’un sourire, d’une poignée de main, d’une accolade, etc. Voulez-vous le bien de quelqu’un, commencez par lui dire bonjour.
Ailleurs le bonjour est encombrant ; il est de trop, inutile, banal et rapidement dit presque machinalement. On devine la froideur, la superficialité des relations, des échanges. Plus qu’une formule de politesse, bonjour est le commencement d’une éthique de l’humain, d’une éthique des relations humaines. On se rappellera les déceptions qui conduisent à ne plus dire bonjour à quelqu’un ou à le dire de façon banale. Quand on refuse de se dire bonjour, on peut deviner la qualité de la relation. A moins d’être hypocrite et de manquer de sincérité, le bonjour initie une signification des relations.
Le bonjour sera classé bientôt dans le domaine de la vie privée dont quelques-uns peuvent faire usage ; un petit nombre. Ce petit nombre représente ceux que nous reconnaissons et acceptons. Le simple fait de voir l’autre ne m’oblige pas à lui souhaiter le meilleur, à dire bon-jour. Bonjour devient intime ; ça ne concerne pas les autres. Cela s’appelle vie privée. Mon bonjour ne vous concerne pas. Cependant, il manque un complément à cette expression « vie privée ». Vie privée…de qui ? De l’autre humain ? Vie privée de quoi ? Des relations et de la communication ?
Après ce point de vue psychologique, je pense que les choses peuvent se concevoir autrement du point de vue démographique selon le Cher Frère Philippe de MONTETY, l’Ancien : dans un village, tout le monde connaît tout le monde. Un tel, il y a toujours quelqu'un pour savoir où il est, où il va, ce qu'il fait. Les premières villes (Mésopotamie, 2e millénaire avant J. C.) voient apparaître un nouveau type d'insertion dans la société : l'anonymat, l'incognito. Et avec lui, l'attitude que nous venons d’évoquer d'un point de vue psychologique et moral. Et avec lui encore, une distinction inconnue jusque-là entre une vie publique et une vie privée. Aujourd'hui on revendique un "droit" à la vie privée, qui ne trouve à s'appliquer qu'en ville. Un des aspects de ce droit est le secret de l'adresse (ce qui n'a aucun sens dans la vie villageoise) : on divulgue son numéro de téléphone ou son adresse mail mais pas son adresse géographique, dite "postale". Et suivre une personne pour savoir où elle habite s'apparente à un délit... ou à un "passe-droit" comme s'en accordent les policiers. Je ne sais pas s'il y a une morale de la vie urbaine, mais certainement il y a une psychologie de la vie urbaine. Le Toussian villageois qui va jusqu'à un marché rassemblant 1.000 personnes va peut-être se sentir perdu dans une ambiance inhumaine. S'il va jusqu'à un marché regroupant 10.000 personnes, il ne va sûrement pas les saluer toutes d'un bonjour. Et il se sentira peut-être "privé d'humain". Cependant, ce qui est certain il saluera toute personne proche de lui, à côté de lui ; il dira bonjour à la ‘’dolotière’’…
Marc SOME, fec.
Communauté de Kongoussi